La pénurie de talents : et si ce n'était pas une fatalité ?

Ratings
(0)

Elle s’est bien installée en France et le marché de l’emploi se trouve dans une situation inédite : de nombreux postes à pourvoir ne trouvent pas preneurs et les candidats prennent le pouvoir après des années de domination des entreprises.

Le « big quit » venu des Etats-Unis, a gagné notre pays à l’issue des confinements. Certes, avec moins de puissance, mais, de plus en plus d’actifs quittent leur poste pour trouver un emploi avec plus de sens ou une meilleure qualité de vie au travail.

Dans le même temps, les entreprises peinent à les attirer. Ainsi, le nombre de postes à pouvoir augmente et les candidats font jouer la concurrence ! 

Comment en sommes-nous arrivés là ? Existe-t-il des solutions pour s'en sortir? 

1/ Une politique sociale court-termisme et low-cost

Certains secteurs d’activité (loisirs, culture, la santé, hygiène et sécurité, services à la personne, transport aérien low cost, grands magasins, etc.) ont eu des pratiques néfastes. Pendant des années, les salariés ont été maintenus dans un système les précarisant toujours un peu plus : bas salaires, horaires déments, mauvaises conditions de travail, quasi-absence d’investissement dans la formation. Ça n’a gêné personne jusqu’à la crise sanitaire : les secteurs soudain confrontés à la désertion des talents n’étaient pas préparés.

Que faire ?

La relance du développement de l’entreprise semble nécessairement passer par une phase d’adaptation du business model : le dirigeant d’entreprise va devoir opter pour une série de choix courageux consistant à purger son entreprise :

  1. des affaires non rentables de son portefeuille (20 % des affaires rapportent 80% du CA);
  2. des « mauvais » clients (insolvables ; mauvais payeurs)  ;
  3. des salariés non essentiels au redéploiement de son business

pour pouvoir :

  1. rémunérer un plus petit nombre de personnes au juste prix du marché (un ratio masse salariale/CA satisfaisant se situe entre 30% et 40%)
  2. investir dans de meilleures conditions de travail (on sait que la sécurité et le bien-être sont les gages de meilleures performances)
  3. investir dans la formation des salariés

 

2/ Un recrutement fortement discriminant

26 critères de discriminations recensés dans les recrutements en France. Cette approche prive les entreprises de nombreux profils intéressants. C’est une attitude dictée par la facilité et encouragée par une conjoncture économique favorisant un chômage de masse.

Que faire pour sortir de ce schéma pénalisant pour l’entreprise ?

  1. Professionnaliser le recrutement, souvent confié dans ses 1ères phases à des personnes insuffisamment formées (trop juniors), et déshumanisé via des ATS qui éloignent automatiquement des profils intéressants qui ne cochent pas toutes les cases.
  2. Proposer une approche différente du recrutement. Prendre en compte les savoir-faire et le transfert d’expérience, comme le font beaucoup de pays anglo-saxons, afin d’enrichir les équipes autrement que par des diplômes qui ne correspondent pas toujours aux demandes pratiques du métier.
  3. Savoir dire « non » aux décideurs qui fondent leurs recrutements sur des principes de discrimination. Les sensibiliser aux risques pénaux qu’ils encourent et choisir de ne pas en être complices.

 

3/ Une e-réputation dégradée

A l’heure des réseaux sociaux, les salariés n’hésitent plus à s’exprimer. 1 salarié sur 6 y parle aujourd’hui de son entreprise. Un « bad buzz » a souvent des effets que les entreprises négligent. Selon W. Buffet,  « Il faut 20 ans pour construire une réputation et 5 minutes pour la détruire ».

Comme un consommateur insatisfait sait faire connaître sa mauvaise expérience client sur la page web d’un site e-commerce, un salarié sait désormais utiliser les plateformes de recrutement (Glassdoor ou Indeed) ou les réseaux sociaux.

Que faire pour améliorer son e-réputation ?  Nous le développerons dans un prochain post, mais en résumé, se préoccuper de la gérer et investir dans une vraie marque employeur devient un véritable enjeu de ressources humaines.

 

4/ Une absence d’investissement dans le capital humain

Qui n’a jamais entendu « Si untel ne faisait pas/ou plus l’affaire, il s’en trouvera bien au moins dix plus compétents que pour prendre sa place. » ?

Et la formation dans tout ça ?...

Ce refus d’investir sur la montée en compétence des collaborateurs conduit régulièrement à :

  1. L’assèchement des viviers 
  2. L’inadaptation des compétences
  3. Le déclenchement de phénomènes de désengagement : turn-over, absentéisme, conflits sociaux, etc.
  4. Une compétitivité de l’entreprise qui s’émousse d’abord, puis finit par disparaitre complètement

Que faire pour sortir de cette impasse ?

  1. Rappeler que certains licenciements sont aujourd’hui « recalés » par la justice au motif que l’employeur n’a pas satisfait à l’obligation légale de maintenir l’employabilité du salarié (l’article L. 6321-1 du code du travail). Le non-respect de cette obligation est sanctionnée par des dommages et intérêts au profit du salarié.
  2. Bien connaître les dispositifs financiers de la formation et savoir les mobiliser par une ingénierie financière et pédagogique adaptée.

 

 

La pénurie de talents redistribue les cartes d’un marché du travail jusque-là très favorable aux entreprises. Désormais, elle oblige les dirigeants à abandonner les solutions auxquelles ils étaient habitués. Il faut impérativement qu’ils s’adaptent : organisation et conditions du travail,  rémunérations, développement des compétences doivent être revus pour coller au plus près aux nouvelles exigences du marché de l’emploi et du basculement du rapport de force dirigeants/employés.