Addiction en entreprise : de quoi s’agit-il et quels sont les dangers ?

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Selon L’INSERM, l’addiction est une pathologie cérébrale définie par une dépendance à une substance ou une activité, avec des conséquences délétères.

Il existe de nombreuses addictions en milieu professionnel, nous allons en isoler 3 familles :

  1. Les plus souvent citées, celles liées à la consommation de substances psychoactives (alcool, tabac, drogues, médicaments, cannabis) ;
  2. L’une des plus méconnues, aux effets particulièrement dévastateurs : la bigorexie ou addiction au sport ;
  3.  Parmi les plus récentes : la cyberdépendance, ou addiction aux écrans et au web et l’hyperconnexion au travail,  qui a connu un renouveau a l’occasion du TT imposé  
  1. L’addiction aux substances psychoactives

L’addiction à l’alcool peut se définir comme le besoin, l’envie compulsive ou encore la nécessité pour une personne de boire de l’alcool, associé à l’incapacité pour le sujet d’assurer ses tâches quotidiennes. 

L'état d’ébriété qui en résulte peut constituer un risque important pour le salarié lui-même, ses collaborateurs, voir des personnes étrangères à l’entreprise.

Dans les entrepôts logistiques, par exemple, cette addiction peut être à l’origine de chutes d’articles, d’outils, de colis ou de palettes.

Toujours à cause de cette addiction, on a déjà assisté à des accidents graves de piétons lors de la manœuvre de chariots élévateurs ou d’autres engins.

L’addiction à l’alcool est également à l’origine de violences verbales ou physiques- sur le lieu de travail.

L’addiction au tabac : la nicotine entraine une dépendance physique qui se traduit par une incapacité du fumeur à se passer de cigarette parfois plusieurs fois par heure. Ceci provoque une déconcentration répétée à chaque « pause cigarette », se reconcentrer est plus difficile au fur et à mesure que la journée passe. C’est une véritable baisse de productivité évaluée à 40 minutes par jour et qui provoque des tensions avec les non-fumeurs qui ont le sentiment de travailler plus. On observe aussi de plus en plus d’absences en raison d’un terrain favorable aux bronchites chroniques, allergies, etc. Les absences maladie sont plus longues que celle d’un non-fumeur : 2 à 3 jours en plus par absence). Plus graves, des cancers des poumons ou de la gorge peuvent se déclencher. Les fumeurs coûtent également cher à un employeur (construction d’abri extérieur spécifique ; selon une certaines études, pour une entreprise de la taille de la SNCF, le coût des pauses-clopes coûterait 177 millions d’euros par an.)

 

L’addiction aux médicaments et aux drogues peut prendre 3 formes. La première est liée à un trouble du comportement : l’hypocondrie (état de la personne qui se croit toujours malade).

La seconde est liée à la nature même de certains produits (psychotropes, certains opiacées destinés à calmer la douleur, anxiolytiques, antidépresseurs, …) 

La 3eme et la plus récente. C’est l’une des situations les plus compliquées à gérer en entreprise car elle montre la porosité entre vie privée et vie professionnelle. Elle est souvent importée dans l’entreprise :

Les effets sont multiples: baisse de vigilance, de concentration, absence à répétition pour dépression, épisodes d’hypertension imposant des périodes de pauses supplémentaires, accidents de graves, voire mortels. Et là encore violence. J’ai personnellement assisté à un épisode où un salarié a mis un coup de tête dans la figure d’un directeur de site, venu lui intimé l’ordre de quitter son poste de travail, eu égard à son état de vigilance. 

 

  1. La bigorexie

 

La bigorexie est un besoin irrépressible et compulsif de pratiquer quotidiennement et intensivement une ou plusieurs activités sportives. Une personne atteinte par cette maladie ne peut pas se passer de sport dans la mesure où son bien-être en dépend. Sa vie quotidienne est entièrement organisée autour du sport, avec les déconvenues sociales, familiales et professionnelles.

La cause de la bigorexie est psychologique. La personne qui en souffre n’est pas facilement dépistable dans la mesure où elle ça influence plus son comportement,  que la prise ou la perte de poids qui ne sont pas forcément extrême.

Cependant, des problèmes physiques comme des déchirures musculaires, atteintes tendineuses, fractures osseuses finissent par arriver et provoquer absences. Plus grave encore, une fatigue extrême et une usure peuvent conduire à un infarctus.

 

Les répercussions sur la vie professionnelle sont multiples : 

  • Un comportement obsessionnel qui se traduit par une organisation et une prestation de travail faite uniquement en fonction des heures d’entraînement.
  • Une performance économique individuelle faible du fait d’un manque d’intérêt et d’engagement de la personne pour une autre activité autre que celle en rapport avec le sport.
  • Un isolement social qui conduit à ne pas assister aux événements de l’entreprise qui risqueraient de lui faire consommer des aliments ou boissons considérés comme n’étant pas sains.
  • Une culpabilité, une irritabilité, voire une agressivité si la personne n'arrive pas à faire tous les entraînements physiques dont elle pense avoir besoin.

 

  1. La cyberdépendance et l’hyperconnexion au travail

 

Voici 2 phénomènes à ne pas confondre.

 

D’une part, la dépendance aux écrans, aux jeux vidéo ou en ligne. Cette cyberdépendance a fortement augmenté à l’occasion de la crise sanitaire. Elle préexistait déjà à cet événement. En effet, des études avaient établi que les salariés passaient 1h à 1h30 sur leur ordinateur pour traiter de questions extra-professionnelles. 

Le confinement associé à cette addiction a renforcé l’isolement social et contribué à fragiliser le corps social de l’entreprise . Aujourd’hui, certaines personnes craignent de revenir en entreprise ; d’autres refusent même de reprendre le travail dans les locaux de l’entreprise et mettent en œuvre des stratégies de contournement pour ne pas y revenir. La question de leur maintien dans l’organisation peut se poser.

 

D’autre part, avec le télétravail imposé lors des confinements, l’hyperconnexion professionnelle a généré le débordement du travail sur la vie privée  : le couple smartphone/email permet un travail à partir du domicile et des lieux de vie, tant le soir que le week-end ou durant les vacances. Selon un sondage IFOP, 78% des cadres consultent leurs communications professionnelles pendant la fin de semaine et pendant les vacances. La quantité d’information reçue en continu est considérable, ce qui génère chez certains un sentiment de ne pouvoir jamais s’arrêter.

 

L’hyperconnexion professionnelle peut avoir des conséquences graves sur la santé de l’individu, son entourage et l’équilibre de l’entreprise

Cette forme de dépendance conduit à l’isolement et au délitement du lien social.  Elle peut mener à des ruptures professionnelles. Nous attarderons sur ces conséquences : 

  • Incapacité à déléguer ;
  • Difficulté à travailler en équipe ;
  • Interruptions fréquentes dans le travail ; manque de concentration
  • Sentiment de surcharge informationnelle et communicationnelle
  • Mauvaise communication dans l’entreprise
  • Agressivité ; stress ; troubles du sommeil
  • Manque d’efficacité et conflits (avec les collègues ou la hiérarchie)
  • Surmenage, burn-out.

 

En conclusion : 

Les addictions en milieu professionnel restent un sujet tabou. Mais, c’est une réalité RH préoccupante. D’autant plus que le climat anxiogène des derniers mois (crise sanitaire, guerre en Europe, inflation et récession, etc…), a remis la question sur le devant la scène. Dans ce cadre incertain, le spectre des addictions en milieu professionnel n’a cessé de s’élargir au fil des 20 dernières années. Le nombre des personnes en entreprise touchées par ce phénomène également.

Ayant désormais une meilleure connaissance du phénomène, il nous est possible d’envisager les leviers à actionner pour mieux accompagner les salariés en difficulté au sein de l’entreprise. Mais avant cela, il nous faudra revenir sur 4 enjeux auxquels doit répondre toute démarche de prévention des addictions.

Ce sera l’objet de notre prochain article.