Il y a quelques jours, 2 DRH ou 1 conseiller Pôle Emploi mourraient dans l’exercice de leurs fonctions. Avec la crise sanitaire, la violence en entreprise aurait-elle franchi un nouveau seuil ?
Si depuis plusieurs années l’entreprise n’est plus un lieu sanctuarisé, l’arrivée de la COVID semble avoir accéléré l’entrée de la violence sociétale en son cœur.
Dans la dernière enquête de la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail, près de 30 % des Français déclarent avoir été victimes de violences au travail, sans précisions sur l’origine et la nature de ces violences.
De quoi parle-t-on ?
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), la violence au travail réfère à toute action, tout incident ou tout comportement qui s’écarte d’une attitude raisonnable par lesquels une personne est attaquée, menacée, lésée ou blessée, dans le cadre ou du fait direct de son travail.
On distingue 4 niveaux d’actes violents :
- L’incivilité : absence de respect, attitude méprisante, remarques moqueuses, refus d’obtempérer
- L’agression verbale : menaces, insultes
- L’agression physique : crachats, bousculades, coups
- La dégradation ou destruction de matériel
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?
Il y a plusieurs explications à ce phénomène. Nous retiendrons plus particulièrement celle de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité).
Elle est ancréz dans une "réalité terrain" que nombre d’autres modèles ne prennent que partiellement en compte.
L’INRS a identifié 6 situations, sources potentielles de violences sur le lieu de travail :
- L’instabilité des règles dans un contexte d’incertitude. La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer cette instabilité
- Les dérives de fonctionnement (ex : violation de procédures) ou de comportement (ex : dégradation du climat social)
- Les perturbateurs organisationnels comme l’évaluation 360° (évaluation d’un employé par ses pairs, ses supérieurs hiérarchiques et par tout autre collaborateur de l’entreprise). la situation financière de l’entreprise
- Les violences organisationnelles visibles (ex : insultes) et invisibles (ex : refus de communiquer avec un collègue ; de transmettre des dossiers)
- Le mal-être organisationnel (ex : sentiment d’injustice de frustration, perte d’estime, colère, mécontentement, défiance, suspicion)
- Les comportements déviants (ex : atteintes aux biens, vols, fraudes, sabotages)
Ces phénomènes s’enchevêtrent. Le modèle d’analyse proposé par l’INRS est systémique. Il prend en compte les impacts entre les effets et les causes. C'est ce qui fait l'originalité et la richesse de cette proposition.
L’employeur est-il toujours responsable ?
Non.Le salarié a également sa part de responsabilité. Selon le Code du travail - art.L.4121-2 -, il doit prendre soin de sa santé et de ne pas mettre en danger celles des autres. En 2016, la Cour de Cassation a rendu un arrêt (Cass. Soc. 10 février 2016, n° 14-24350), en ce sens. Elle a mis l'accent sur une responsabilité partagée entre employeur et salarié. Elle a rétabli un équilibre dans la balance de la responsabilité.
Toute violence physique nécessite une sanction disciplinaire contre son auteur. L’intervention de l’employeur est obligatoire, sa passivité pouvant s’apparenter à de la complicité au sens pénal du terme.
Toute personne qui fait preuve de violences physiques à l’encontre d’un collègue de travail, ou tout autre collaborateur de l’entreprise, risque un licenciement (pour faute grave, dans la plupart des cas).
Que doit faire l’employeur ?
- Définir les actes de violence, y compris les menaces de violence envers le personnel et les biens de l’entreprise
- Procéder au sein de l’entreprise à l’évaluation des facteurs de risque communs liés à la violence en milieu de travail
- Déclarer que l’entreprise ne tolérera pas les comportements violents ou agressifs.
- Décrire clairement les mesures disciplinaires qui seront prises à l’égard des contrevenants.
- Demander aux salariés de ne pas intervenir eux-mêmes, mais plutôt d’appeler leur responsable hiérarchique ou téléphoner à la police
- Ne pas laisser un salarié victime ou témoin d’un acte de violence seul durant les heures suivant l’incident
- Apporter rapidement une aide médicale et psychologique à la victime, et au besoin à son entourage professionnel
- S’assurer que la politique mise en place indique ce que les employés doivent faire lors de situations extrêmes (personne avec une arme à feu, prise d’otage, etc.)
CONCLUSION
Travailler dans l’insécurité n’est pas une fatalité.
Aujourd’hui, la violence est omniprésente dans notre quotidien.
On ne peut pas l’éradiquer, mais il est possible d’agir sur certaines méthodes utilisées en entreprise. Des contraintes venues de toutes parts y sont de plus en plus fortes pèsent sur les individus. Elles génèrent chez le salarié de plus en plus souvent frustration et démotivation. Autant de facteurs qui favorisent l’émergence d'une nouvelle violence au sein entreprises. Allégeons ces contraintes en refaisant une place à l'humain dans l'élaboration de nos constructions.
En agissant dans ce sens, il est possible de diminuer les violences encourues au travail.