Canicule ou vague de chaleur : quelles sont les obligations pour le dirigeant d’entreprise ?

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Depuis quelques jours, la France connaît sa première canicule.

Une canicule c'est un épisode de très fortes chaleurs pendant au moins trois jours consécutifs. Elle se caractérise par le fait que les températures ne descendent pas la nuit par rapport à celles observées la journée, ou dans une infime proportion.

L’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) et la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) précisent qu’au-dessus de 33 degrés, les salariés encourent un risque.  3 seuils de risque retenus : 28 °C pour un travail physique, 30 °C pour un travail de bureau, 33 °C au-delà desquels les risques augmentent de façon exponentielle.

C’est après la forte canicule de 2003, le Plan National Canicule a été créé (devenu Orsec Gestion Sanitaire des Vagues de Chaleur en 2021) . Il est activé tous les ans par le Gouvernement du 1er juin au 15 septembre. Ce plan définit 4 niveaux d'alerte. A chaque niveau d'alerte, des actions et des mesures sont associées afin de prévenir et limiter les effets sanitaires de ces épisodes de chaleurs.

Quelles sont les obligations à charge de l’employeur en fonction des 4 niveaux d’alerte ?

Pour les niveaux 1 (vert, pas de risque), 2 (jaune, existence d’un risque) et 3 (orange, risque renforcé), seules des mesures générales de prévention sont prévues

Le Code du travail n’indique aucune mesure spécifique à mettre en œuvre par l’employeur. Il est simplement tenu de veiller à la santé et à la sécurité des personnes placées sous sa responsabilité (article L.4121-1 du Code du Travail ) : l’absence d’actes de préventions, d’informations, d’évaluation des risques ou d’organisation adaptée de la part du dirigeant peuvent mettre en cause sa responsabilité tant civile (allocation de dommages et intérêts au salarié ou ayant droits) que pénale (prison, amende, jusqu’à saisine de son patrimoine personnel), dans les cas les plus graves.

En cas de canicule, pour être en conformité avec ces obligations légales, l’employeur doit mettre en place des actions et des plans de prévention (article L4121-3 du Code du travail).

  • Pour les personnes travaillant en intérieur :
    • Faire renouveler l’air de façon à éviter les élévations exagérées de température, dans les locaux de travail fermés;
    • Mettre à disposition de l’eau potable et fraîche;
    • Retranscrire dans le « document unique d’évaluation des risques » les risques liés aux ambiances thermiques et adopter les mesures de prévention permettant d’assurer la santé et la sécurité des salariés.
  • Pour les personnes travaillant en extérieur :
    • Dans le secteur du BTP : mettre à la disposition des travailleurs un local de repos adapté aux conditions climatiques ou aménager le chantier de manière à permettre l’organisation de pauses dans des conditions de sécurité équivalentes.
    • Mettre à disposition des travailleurs trois litres d’eau potable et fraîche au minimum par jour et par salarié
    • S’assurer que le port des protections individuelles et les équipements de protection des engins sont compatibles avec les fortes chaleurs 
    • Prévoir des aides mécaniques à la manutention
    • Prendre les mesures organisationnelles adéquates pour que les travaux se fassent sans exposer les salariés (adapter les horaires…)
    • Veiller à ce que les conducteurs d’engins et de véhicules ne soient pas exposés à des élévations de température trop importantes 
  • Pour les personnes éligibles au télétravail:
    • Selon Éric Rocheblave, avocat spécialiste du droit du travail, «L’employeur a la responsabilité de se préoccuper des conditions de travail en télétravail comme en présentiel »
    • L’employeur doit, en cas de canicule, s’enquérir des conditions de ventilation du lieu de télétravail. MAIS il ne peut en aucun cas lui être demandé d’installer la climatisation au domicile du salarié
    • Il doit pouvoir proposer une alternative adaptée telle que le retour au bureau, ou le travail dans un espace dédié au coworking

 

Pour le niveau 4 « vigilance rouge », des obligations particulières supplémentaires

Le niveau de vigilance rouge correspond à une canicule extrême: canicule exceptionnelle à fort impact sanitaire et qui peut entraîner l'apparition d'effets collatéraux notamment en termes de continuité d'activité.

Dans un tel cas, le dirigeant doit procéder à une évaluation quotidienne des risques encourus par chaque salarié en fonction :

  • De l’évolution de la température pendant la journée 
  • De la nature des travaux devant être effectués, notamment en plein air ou dans des ambiances thermiques présentant déjà des températures élevées, ou comportant une charge physique
  • De l’âge et de l’état de santé des travailleurs

En fonction de cette évaluation des risques :

  • L’organisation du travail doit être ajustée pour garantir la santé et la sécurité des travailleurs pendant la période de vigilance rouge (modification des horaires, révision de la charge de travail…)
  • La liste des salariés bénéficiant du télétravail doit être réexaminée, en prêtant une attention particulière aux femmes enceintes, aux personnes souffrant de pathologies chroniques ou en situation de handicap
  • Si l’évaluation fait apparaître que les mesures prises sont insuffisantes, notamment pour les travaux accomplis à une température très élevée et comportant une charge physique importante, l’employeur doit alors décider de l’arrêt des travaux.

 

CONCLUSION

En 2021, la canicule a encore tué en France : 239 décès (soit 85% des décès pour catastrophes naturelles). La canicule n’est pas considérée en France comme un risque naturel majeur. Il existe bien un plan canicule depuis 2003, mais il reste insuffisamment relayé dans le tissu des PME/PMI.

Ces périodes de fortes chaleurs vont se multiplier et s’intensifier. C’est pourquoi, il est du devoir du dirigeant d’anticiper avant l’été un plan de prévention. Ne pas le prévoir peut être retenu en cas de contentieux comme un facteur aggravant relevant  de la négligence ou de la faute inexcusable du dirigeant.

 

Credit photos -droits  : Gaveravar - BirdsDessines