L’entreprise est en mode « survie » depuis un an et est au bord de la faillite.
Malgré les aides de l’Etat, la situation est alarmante.
Pour conserver un emploi et tenter d’accompagner leur « boite » vers des jours meilleurs, certains collaborateurs sont volontaires pour, pendant une période déterminée, faire autre chose que leur métier habituel. Ils sont même prêts à accepter une baisse temporaire de salaire.
Peuvent-ils le faire ?
Quelles sont les obligations légales et les options qui s’offrent au chef d’entreprise ?
Voyons ce que dit la loi.
Nous étudierons ensuite un cas pratique, plus concret.
En période de crise sanitaire, puis-je changer mes salariés de poste de travail ? En ai-je le droit ?
Dans le cadre de mon pouvoir de direction, toute décision que je prends, en tant que dirigeant, s'impose au salarié, excepté lorsque celle-ci a pour incidence de modifier le contrat de travail.
En l'absence de précision dans le Code du travail, c'est la jurisprudence qui a précisé la notion de modification du contrat en distinguant les modifications du contrat qui nécessitent l'accord du salarié et les simples changements des conditions de travail qui s'imposent au salarié.
La jurisprudence reconnaît que l’octroi de nouvelles tâches, qui correspondent à la qualification du salarié, constitue un simple changement de ses conditions de travail. Il n’est pas tenu d’effectuer toujours les mêmes missions. J’agis alors dans le cadre de mon pouvoir de direction. Un simple courrier d’information adressé au salarié suffit.
Un refus du salarié n’entraîne pas, à lui seul, la rupture du contrat mais constitue une faute professionnelle que je peux sanctionner, au besoin, par le licenciement. Dans le cas d’1 changement de conditions de travail, un avenant peut être proposé au salarié. Ce dernier est en droit de l’accepter. Ou pas.
S’il s’agit d’un représentant du personnel, le simple fait de changer ses conditions de travail nécessite son accord écrit. En cas de refus, deux solutions s’offrent à moi :
- renoncer à la modification et maintenir le représentant du personnel dans ses conditions de travail antérieures
- solliciter l’accord de l’inspection du travail afin de le licencier pour un motif autre que son refus (économique par exemple)
En tant qu’employeur, je ne peux pas imposer la modification d’un élément dit essentiel du contrat de travail, mais seulement proposer au salarié concerné.
Il est considéré couramment que les éléments essentiels d’un contrat sont les suivants :
- la qualification
- la rémunération contractuelle
- la durée du travail
- le lieu, défini par le secteur géographique d’affectation
La modification ayant une cause économique (la crise sanitaire), je dois informer le salarié de la proposition de modification d’un élément essentiel de son contrat de travail, par courrier R.A.R. Je dois lui préciser également qu’il dispose d’un délai d’un mois pour répondre et faire connaître, éventuellement, son refus. Ce délai peut être ramené à 2 semaines en raison de l’urgence de la situation.
Passé ce délai, on considère que la modification est acceptée.
S’il refuse, je peux lui proposer le chômage partiel.
Il refuse aussi cette option ? J’ai le choix entre la rupture conventionnelle ou la procédure de licenciement économique (préavis, indemnités, etc.),
Un exemple d’actualité ?
Je dirige une entreprise.
Avec la crise sanitaire qui dure depuis + d'un an et les confinements successifs, notre activité a été très impactée.
En accord avec une partie des employés, je pense à changer le contenu de leurs postes afin qu'ils puissent continuer à travailler (ex : on a déjà adopté le click and collect depuis plusieurs mois mais ça ne suffit pas. Certains sont d’accords pour faire eux-mêmes des livraisons à domicile à vélo pour nos clients).
Puis-je le faire ?
Si oui, comment dois-je m’y prendre afin de respecter la loi, ne pas mettre mes employés ou mon entreprise en danger ?
1/ En cas de crise sanitaire, en tant que dirigeant, il m’appartient de mobiliser tous les moyens légaux à ma disposition pour sauver mon entreprise.
2/ Pour des raisons strictement économiques comme celles évoquées, je peux modifier les activités de mes salariés ou même procéder à la baisse de leur rémunération. Mais je dois le faire avec précaution :
- a) j’organise une consultation sur le projet de réorganisation de l’activité. Cette consultation est un référendum d’entreprise pour les sociétés de 11 salariés ou moins.
Au-dessus, je concerte les représentants du personnel réunis en CSE (comité social et économique) dans un cadre extraordinaire
- b) après avis, j’informe individuellement chaque employé concerné des modifications par un avenant au contrat de travail. La signature de cet avenant vaut accord exprès du salarié.
Cet accord est indispensable si je modifie l’un des 4 éléments essentiels (qualification, rémunération, durée, lieu). Un délai de réflexion, ramené à 2 semaines en raison de l’urgence, est obligatoire.
Je dois m’assurer que sa décision est pleinement éclairée et prise sans aucune pression de ma part ou de l’un des membres de la direction.
ATTENTION !
- si l’un des salariés, qui était pour cette modification lors des discussions, la refuse au moment de signer l’avenant, je dois lui proposer en premier, le chômage partiel puis la rupture conventionnelle.
En cas de refus de ces 2 alternatives, je n’ai d’autre choix que de procéder à son licenciement pour motif économique.
Il faut savoir qu’un tel licenciement me prive à l’avenir du bénéfice de certaines aides ou subventions.
- malgré toutes les précautions prises, un recours du salarié devant les Prud’hommes n’est jamais à exclure