L’engagement au travail des salariés : une question RH au cœur de la reprise

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De quoi parle-t-on en évoquant l’engagement du salarié au travail ? « L’engagement au travail [peut être défini] comme l’énergie que consacrent les salariés à la réussite des projets communs de l’entreprise. Il se traduit par un état d’esprit et des initiatives qui témoignent de leur appropriation de la stratégie et des enjeux. » La question n’est pas anodine puisqu’elle touche directement au niveau d’activité et de performance de l’entreprise. Les RH au titre  de leur mission de business partner auprès de la direction générale doivent se saisir de cette problématique. Comment ranimer cet engagement au travail dans un contexte de reprise et d’incertitude ?  

Nous identifions 4 pistes d’actions :

  1. Soigner les blessures et prendre le temps d’écouter

La brutalité et la violence de la crise sanitaire ont saisi chacun dans son quotidien. Certains ont eu à vivre des situations stressantes, voire traumatisantes. Je pense ici aux jeunes mères de famille avec enfants en bas âges, aux les familles monoparentales isolées par la crise ou encore aux  dirigeants d’entreprise, souvent seuls face à l’épreuve et parfois en profonde détresse. Si des initiatives sont venues soutenir ces publics pendant le confinement, elles doivent être prolonge, voire renforcer. En effet, de nouvelles peurs sont apparues avec l’incertitude de la reprise. 

Le travail d’écoute et de rassurance  de l’équipe RH revêt ici  un caractère fondamental. Les RH doivent sortir de leur « zone de confort » pour se mettre à l’écoute des richesses humaines de l’entreprise et leur offrir un véritable accompagnement humain et social. Il doit viser à expliquer, calmer et mettre en confiance. Il doit venir en aide les « salariés décrocheurs » sans les stigmatiser ou les discriminer. Non  ce n’est pas du nursing !  C’est juste un travail de reconstruction du collectif. C’est un travail difficile et délicat pour le RH. Il faudra savoir gérer des temps antagonistes : celui, rapide, de l’entreprise à la recherche de performance pour assurer sa pérennité ; celui, plus lent,  des Hommes confronté à la succession de changements rapides et à l’incertitude.

  1. Reconstruire un collectif autour de la raison d’être de l’entreprise

Plus que jamais, il est important après cette épreuve de reconstruire un collectif, de renouer avec une histoire et un projet mobilisateurs. Si les salariés se reconnaissent dans ses valeurs, ils veulent aussi les vivre.  La cohérence entre le discours et les actes est ici primordiale. Plus il y aura d’écart entre ce qui a été mis en avant et ce qui se passe réellement, moins les salariés seront engagés. Ainsi dans les phases de transition, il est important de garder ses fondamentaux en ligne de mire. Dès lors,  quoi de plus essentiel que de venir interroger ce qui fait sens pour chacun. Ce travail autour de la raison d’être est un travail commun qui doit être conduit sous l’impulsion et avec la volonté du.des dirigeant.s. Ce ne doit pas être un travail « vertical » où la Direction de l’entreprise impose son crédo. C’est un travail conjoint où les salariés doivent pouvoir s’exprimer sur ce qui, selon eux, fait l’essence même, la singularité, l’ADN de l’entreprise. C’est un véritable projet RH qu’il nous semble fondamental à mener. Nous proposons d’utiliser deux démarches positives et constructives qui facilitent l’émergence de cette nouvelle énergie : la démarche appréciative (Appreciative Inquiry)  et celle de l’ikigai (la raison d’être). Ce sont des méthodes que nous avons pu mettre en œuvre avec succès pour un cabinet de conseil en stratégie.

  1. Faire confiance et soutenir les relais de communication

Avec le confinement, nous avons découvert la vraie valeur du mot confiance. Les managers ont dû apprendre à faire confiance à leurs équipes dans le cadre d’un travail à distance et à la maison. Par le fait, la crise sanitaire a mis un grand et violent coup de pied à cet esprit sous-jacent du taylorisme : la défiance. Il serait aujourd’hui inutile et dangereux de vouloir reprendre les réflexes du « monde d’avant ». En effet, c’est un double risque juridique et managérial. Managérial d’abord,  parce que les nouvelles conditions de travail touchent à l’organisation du travail. Certains dirigeants se sont risqués à mettre en place des organisations sans concertation. Ils sont souvent essuyé d’importantes réticences, voire de refus de la part des salariés. Ils ont été obligés de faire machine arrière. « En outre, envoyer des signaux positifs aux salariés désireux de prendre des responsabilités renforce la confiance et l'esprit de loyauté, deux actifs incorporels fragiles en temps de crise ». « Les rumeurs se propagent vite en période de crise. […]Les top managers éviteront de se retrancher dans leurs bureaux et préféreront une communication honnête et l'empathie. » (Manfred F.R.Kets de Vries professeur en développement du leadership et changement organisationnel à l'Insead).

Juridique ensuite, parce que l’organisation du travail est un sujet de dialogue social dans le cadre du CSE (Comité économique et social).L’oublier, c’est s’exposer à un délit d’entrave coûteux : 7.500€ d’amende.  En tout état de cause aucune nouvelle organisation du travail ne se mettra en place sans une concertation  avec les salariés, soit directement soit au travers de leur représentation au CSE. Les protocoles sanitaires sucessifs à l’adresse des entreprises rappellent ce point précis.

  1. Communiquer clairement sur le projet d’avenir de l’entreprise

Chacun a fait l’expérience au moins une fois dans sa vie d’avoir été plongé dans le noir d’un tunnel et attendre avec impatience le point de lumière. Tant que l’on est dans ce noir impénétrable une foule de pensées angoissées et d’émotions perturbatrices vous empêchent d’avancer rapidement. Quand point la lumière –aussi petit que soit ce point – l’espoir renaît ; ce dernier grandit à mesure que la sortie du tunnel s’affirme. Il en va de même pour les salariés de l’entreprise.  

Quand les nouvelles ne sont pas très bonnes, c'est en étant transparent que le dirigeant chassera l'incertitude qui mine le moral de ses collaborateurs et qu'il leur redonnera espoir. Et pour mobiliser l'énergie, pas besoin d'être un champion de la communication. "Il faut faire preuve de pragmatisme, d'authenticité et surtout faire confiance aux salariés, poursuit Jean-François Moine, consultant CEGOS. Ne pas craindre de dire ce qui se passe vraiment et éviter les discours culpabilisants, car les collaborateurs sont souvent plus aptes qu'on ne le pense à comprendre la réalité." 

Conclusion :

La vigueur de la reprise dépend entre autre de la capacité du dirigeant et des RH à redonner du souffle à l’engagement au travail dans une période. N’oublions pas que cette question se chiffre en milliard d’euros pour l’économie toute entière. En effet, le cabinet Mozart Consulting avait estimé que e désengagement coutait en 2019 13040€ par an et par salarié à l’entreprise. La vigilance est donc de mise pour les RH sur une question à forts enjeux.

crédit photo: shutterstock/Lia t