couple DRH/dirigeant pme, je t'aime...moi non plus?

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Depuis 15 ans, je suis DRH à temps partagé.

Je rencontre fréquemment une situation délicate :

comment valoriser la gestion des ressources humaines auprès d’un dirigeant dont ce n’est pas le point fort ?

Sa culture et son expertise techniques ont fait le succès de l’entreprise. Mais il n’entend pas grand-chose aux relations humaines. Lui, c’est d’abord et avant tout le carnet de commande.  Il délègue la gestion dans son ensemble à un tiers de confiance : le DAF ou l’expert-comptable. Il ne souhaite pas nécessairement s’y investir.  La taille « humaine » de son entreprise lui fait penser qu’il est proche de ses collaborateurs…puisqu’il les voit tous les jours au début de la journée. Au fil de mon expérience, j’ai pu dégager quelques profils-types de dirigeants peu empathiques.

Quel doit être le rôle et le positionnement du DRH face au comportement parfois difficile de ces dirigeants ?

LE DIRIGEANT AUTORITAIRE-EXPLOITEUR

Il est considéré comme un tyran. Il est le seul maître à bord. Son style est fondé sur la peur, les menaces et les sanctions. Ses collaborateurs le craignent.  Il a mauvais caractère et n’hésite pas à en jouer quand cela sert ses intérêts. Il est perfectionniste, voire pointilleux à l’extrême. Pour lui diriger, c’est souvent donner des ordres, et manier l’injonction paradoxale. Il consulte peu et prend ses décisions tout seul. Il ne laisse aucune initiative à ses subordonnés, utilise les menaces et les sanctions

Centré avant tout sur les résultats, son objectif n’est pas la satisfaction de ses collaborateurs, mais augmenter la productivité de son entreprise sans se préoccuper le moins du monde des droits des salariés.

Le DRH intervient alors tout d’abord comme un Risk manager. En effet, la responsabilité civile et pénale du dirigeant peut être engagée pour faits de harcèlement moral sur le fondement de l’article L4121-1 et s. du Code du travail. La condamnation de l’employeur peut aller jusqu’ à la saisine de son patrimoine personnel dans les cas les plus graves.

Le DRH doit protéger le dirigeant contre lui-même. Ce comportement ressenti comme agressif peut cacher un manque de confiance en soi. La solution est de le rassurer : il faut lui montrer que le DRH est un expert qui connaît bien son métier et qu’il est digne de confiance.

Homme d’expérience et d’écoute, le DRH doit pouvoir réagir aux situations de crise. S’il possède le sens du contact, de la conduite et de l’animation de réunion, il doit également savoir concilier les intérêts divergents des parties prenantes de l’entreprise afin d’éviter la détérioration du climat social. En cas de conflit, il doit savoir :

  • Réagir rapidement, avant que les choses ne s’aggravent. Sinon, le risque est de voir le conflit s’amplifier et l’environnement de travail se détériorer.
  • Identifier la nature du conflit pour le résoudre rapidement
  • Atteindre un compromis. Un conflit au travail est résolu beaucoup plus facilement lorsque les deux parties se sentent gagnantes.
  • Savoir faire la part des choses. Le conflit doit rester dans la sphère professionnelle et ne doit pas affecter les relations personnelles entre les protagonistes.
  • Écouter chaque partie exposer son point de vue et rester ouvert d’esprit. Garder la tête froide : être agressif ne fera qu’envenimer la situation.
  • Faire appel à un médiateur : si les précédents conseils n’ont pas suffi à régler le conflit, inutile de s’entêter. Une personne extérieure au conflit pourra orienter la discussion dans une direction plus productive.

 

 

LE DIRIGEANT AUTORITAIRE- PATERNALISTE

Le dirigeant dispose d'une autorité incontestée et entretient des relations de proximité avec ses subordonnés. Il prend autoritairement les décisions. Il utilise un système de récompenses et de sanctions comme moyen de motivation. Le bien-être des salariés est pris en compte. Même si quelques décisions sont déléguées, la communication reste descendante. C’est un style de direction qui se retrouve le plus souvent dans les petites PME.

Le management du dirigeant fonctionne souvent à l’affectif. Il faut alors absolument éviter de tomber dans le piège qui consiste à abonder systématiquement dans le sens du dirigeant. Le DRH doit absolument garder sa personnalité et rester lui-même.

Pour réussir, le DRH doit faire preuve d’humilité et de patience. Vouloir tout révolutionner sous prétexte que l’on arrive de l’extérieur avec des idées neuves ne mène à rien…et c’est la meilleure manière d’échouer. Il faut être habile car le dirigeant ne doit jamais se sentir dépossédé de son pouvoir sur les salariés, ni de sa maitrise de la gestion sociale de son entreprise.

Regardé comme un expert, le DRH doit, par la confiance et la pédagogie, amener le dirigeant paternaliste à faire évoluer sa pratique RH : par exemple, en introduisant plus de flexibilité dans son management, –surtout en direction des jeunes générations – ; en professionnalisant et structurant la fonction RH.

 

LE DIRIGEANT AUX HUMEURS CHANGEANTES

Au premier abord, il semble être le patron idéal. Souriant, blagueur, compréhensif et reconnaissant, il parait adopter une attitude détendue avec ses équipes, semble vouloir partager les repas avec ses salariés. Mais dès qu’un problème survient, le masque tombe. Ne cessant de donner des ordres à droite et à gauche pour calmer son propre stress, colérique sans raison, de mauvaise foi lorsqu’il commet une erreur, il accuse et incrimine tout le monde, hormis lui-même, bien sûr ! Pour ses collaborateurs, il devient odieux, méconnaissable et imprévisible.

La première chose à faire consiste pour le DRH à se protéger lui-même contre les sautes d'humeur du dirigeant! Comment? En replaçant ces comportements déroutants dans un contexte plus large! Une bonne dose d'intelligence émotionnelle et d'écoute active aideront le DRH à mieux saisir les tenants et aboutissants d’une situation dont il n’est pas  responsable.

La seconde stratégie à employer avec un tel dirigeant consiste pour le DRH à détecter les moments où se manifestent les symptômes les plus probants des sautes d'humeur. Quand surviennent-elles? Quels en sont les éléments déclencheurs? Si oui,  le DRH se doit d’être stratégique. Il doit savoir interagir avec le dirigeant  lorsque la mer est calme et l'horizon dégagé! Et aux premiers signes de la tempête, le DRH doit dégager du pont et se mettre à l’abri le temps que celle-ci passe!

Une dernière stratégie efficace peut être de répondre aux humeurs de ce dirigeant  par l'emploi de judicieuses manifestations de gratitude à son égard. Bien dosées et saupoudrées avec parcimonie dans le temps, ces marques d'appréciation (ce peut être un courriel de remerciement pour son aide lors d'une tâche antérieure, par exemple) pourront contribuer à atténuer sa propre anxiété, à réduire sa perception d'un environnement immédiat menaçant et à le « raccrocher » au collectif et au fait que ses salariés sont à ses côtés pour l’épauler.

 

Conclusion :

Pas toujours facile pour un DRH de se faire entendre sur les projets de sa direction et l’inciter à en décliner le volet « humain ».

Dans le contexte actuel, entre mesure de prévention immédiate, gestion de la continuité d’activité et anticipation de la reprise, le duo DRH – dirigeant  doit être fluide et efficace car leurs décisions ont un impact direct sur l’avenir de l’entreprise à court terme.

Parmi les facteurs clés de réussite du tandem Dirigeant/DRH, la capacité du DRH à décoder la façon dont son DG se comporte. Les confrontations d’idées et de points de vue, sources d’enrichissement et d’approfondissement d’un projet, ne peuvent avoir lieu et aboutir que dans une relation de confiance. Cette confiance est le résultat d’une alchimie dans laquelle entrent les croyances profondes. Ainsi, il est nécessaire que le dirigeant et le DRH partagent le même système de valeurs et qu’il existe une certaine harmonie entre leurs visions sur la gestion de l’entreprise.

credit photo: pactes_conseil