Chronique d'un DRH à temps partagé, sociologue de terrain

Pendant qu'on débat mollement de la "valeur travail" dans les dîners en ville et les cabinets ministériels, un chiffre vient, tel un glaçon dans le whisky du plein emploi, doucher les enthousiasmes : seuls 38 % des plus de 56 ans retrouvent un emploi après une période de chômage. Les femmes ? C’est pire encore. Vous avez dit "égalité des chances" ? Non, on parle ici d’un double gâchis : économique et humain.

Et là, attention au grand écart made in France. D’un côté, des entreprises qui pleurent sur la pénurie de compétences. De l’autre, un vivier de talents expérimentés, disponibles, motivés, laissés à la marge. On dirait un sketch. Mais c’est juste la réalité.

🔁 Bienvenue dans l’ère des retraités boomerang. Oui, ces anciens cadres, techniciens, ouvriers qualifiés… qui veulent encore contribuer. Et surtout qui peuvent. Mais que les entreprises regardent parfois comme des vinyles dans une playlist Spotify.

Oui, ces anciens cadres, techniciens, ouvriers qualifiés… qui veulent encore contribuer. Et surtout qui peuvent. Mais que les entreprises regardent parfois comme des vinyles dans une playlist Spotify.

Sauf que… certains ont enfin compris.

👉 Carewan, cabinet de conseil agile, a osé l’évidence : intégrer des seniors non pas pour "transmettre" façon prof de latin, mais pour co-construire des transformations avec les jeunes équipes. Du vrai collaboratif, pas de la comm’ LinkedIn.

👉 Soprema Entreprises à Strasbourg a instauré un tutorat inversé : les retraités boomerang forment les jeunes sur le terrain, pendant qu’eux se mettent à jour sur les outils numériques. Résultat : turnover en baisse, efficacité en hausse. Win-win.

👉 À la Biscuiterie de l’Abbaye en Normandie, les retraités reviennent sur des missions ponctuelles stratégiques : qualité, RSE, transmission des savoir-faire… Sans peser sur la masse salariale, ni sur les process. Juste efficaces.

👉 Textilot, PME textile vosgienne, a relancé de l’artisanat haut de gamme avec des compagnons-formateurs retraités. À mi-temps. Flexibles. Et fiers. Résultat : moins d’erreurs, plus de commandes, et une marque employeur qui sent bon l’intelligence.

👉 En Belgique, la start-up Talentree fait du matching entre seniors et entreprises via des missions ciblées, pas des CDI à vie. L'expérience prime, pas le diplôme. Simple, non ?

Et si on arrêtait d’avoir peur de l’expérience ?

Car au fond, la vraie question, c’est : sommes-nous prêts à innover managérialement ? Pas avec des slides, mais avec du courage.

Voici trois pistes que je propose aux directions RH et aux managers éclairés :

1. Le temps partagé senior : adapter le rythme aux envies et à l’énergie. Parce qu’à 62 ans, on n’a plus envie de trimer 50h semaine… mais on a encore plein de choses à apporter.

2. Le tandem inversé : un binôme junior-senior où chacun apprend de l’autre. Pas de hiérarchie, juste du respect mutuel et du feedback intelligent.

3. Le "parrainage projeté" : une mission claire, un objectif, un budget, un timing. On ne réintègre pas les seniors par pitié, on les engage comme des pros.

Le pire ? C’est que pendant ce temps-là, la société continue à classer les +56 ans dans la case "inactifs". Mais qui a décrété qu’à 58 ans, on était "fin de vie professionnelle" ? Le CAC 40 ? Les RH trop jeunes ? Les algorithmes des ATS ?  une société qui refuse l’expérience programme son obsolescence.

Alors et si le futur de votre compétitivité, c’était vos anciens collaborateurs ? Ceux que vous avez laissés partir sans leur demander s’ils voulaient encore servir ?

Les retraités boomerang sont prêts. Et vous ?

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