Et si nous repensions la résilience managériale ?

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Dans un monde professionnel en perpétuelle mutation, la résilience managériale s'est imposée comme une qualité indispensable pour tout leader. Face aux crises économiques, aux transformations digitales et aux défis organisationnels, cette capacité à rebondir et à s'adapter est célébrée comme la panacée du management moderne.

Mais jusqu'où peut réellement aller cette résilience ? À force de valoriser la résistance et l'adaptabilité à tout prix, ne risquons-nous pas de masquer des problèmes structurels plus profonds au sein de nos organisations ?

La problématique qui se pose est donc la suivante : Dans quelle mesure la résilience managériale, bien que nécessaire, peut-elle devenir un frein à la transformation profonde des organisations lorsqu'elle est érigée en vertu absolue ?

Cette question nous invite à repenser ce que nous attendons réellement de nos managers. S'agit-il simplement de tenir bon face aux tempêtes, ou plutôt de savoir quand il est temps de changer fondamentalement de cap ? Les réponses à cette interrogation façonneront la prochaine génération de leaders, plus conscients des limites de leur propre résilience et mieux équipés pour distinguer les situations où s'adapter ne suffit plus.

La résilience managériale : un mythe moderne à déconstruire

Dans un monde professionnel obsédé par la performance, la résilience managériale s'est imposée comme une vertu cardinale. Mais n'est-elle pas devenue un impératif problématique, voire une injonction pernicieuse?

La résilience - cette capacité à rebondir face aux difficultés - est systématiquement présentée comme la solution miracle aux défis contemporains. Pourtant, cette glorification constante mérite d'être questionnée.

Premièrement, l'idéalisation de la résilience transfère subtilement la responsabilité des problèmes structurels vers l'individu. Quand une organisation dysfonctionne, est-ce vraiment au manager de "s'adapter" indéfiniment plutôt que de transformer le système défaillant? La résilience devient alors un outil de maintien du statu quo.

Deuxièmement, cette injonction à la résilience peut masquer des formes insidieuses de surmenage. Le manager "résilient" est souvent celui qui accepte silencieusement une charge mentale excessive, normalisant des conditions de travail délétères.

Plus troublant encore: la résilience est souvent valorisée pour sa dimension productive. On ne célèbre pas tant la récupération psychologique que la capacité à maintenir sa performance malgré l'adversité.

Ne faudrait-il pas plutôt interroger notre rapport au travail? Privilégier la construction d'organisations intrinsèquement saines plutôt que d'exiger des individus qu'ils développent une immunité aux environnements toxiques?

La véritable innovation managériale résiderait peut-être dans le refus de cette "résilience-alibi" pour enfin concevoir des structures professionnelles où l'adaptation permanente n'est plus une nécessité de survie.

 

Dépasser la résilience-alibi : actions concrètes pour un management transformatif

Pour concrétiser ce refus de la "résilience-alibi" et construire des organisations intrinsèquement saines, voici quelques pistes d'action:

1/Commencez par documenter systématiquement les situations qui exigent une "résilience excessive". Identifiez les problèmes structurels derrière chaque crise: est-ce un manque de ressources, une mauvaise répartition du travail, des processus décisionnels inefficaces?

2/Rebaptisez ces moments non comme des "opportunités de résilience" mais comme des "signaux d'alerte organisationnels" méritant des solutions collectives.

3/Osez questionner les impératifs d'urgence permanente. Instaurez des périodes sanctuarisées de travail sans interruption et des plages dédiées à la réflexion stratégique.

4/Mettez en place des espaces de parole authentiques où l'expression des difficultés n'est pas perçue comme une faiblesse mais comme une contribution à l'intelligence collective.

5/Valorisez explicitement les initiatives qui visent à corriger les dysfonctionnements plutôt que celles qui consistent à "tenir bon malgré tout".

6/Redéfinissez les critères d'évaluation de performance pour y inclure la capacité à identifier et résoudre les problèmes systémiques, pas seulement à les endurer.

7/Enfin, acceptez que cette transformation prendra du temps et nécessitera elle-même une forme différente de persévérance - non pas celle qui consiste à s'adapter individuellement aux défaillances, mais celle qui vise à modifier patiemment les structures pour qu'elles servent réellement l'humain.