Devons-nous nous résigner à devenir des produits agro-industriels à pâte molle ?

Ratings
(0)

Vous rappelez-vous ces fromages de couleur blanchâtre, de consistance plâtreuse ou élastique, qu’on nous servait sous forme d’une portion le midi ?

Ces bijoux de technologie de l’industrie agroalimentaire des années 60/70 qui ont définitivement aseptisé nos papilles ? 

Mais si !!!

Ils étaient triangles, enveloppés de façon uniforme dans du papier alu avec une languette rouge pour économiser l’effort.

Ou ronds, coincés dans des coques en cire rouge, avec cette fois-ci, la languette blanche !

Voilà, vous y êtes.

Quel rapport avec les RH ?

Transposons ces ersatz de fromages à la vie en entreprise et voyons ce que cela nous dit de notre état d’aujourd’hui.

C’est l’idée de la cloche à fromage qui m’a conduit à cette image.

N’est-ce pas ainsi que nous sommes appelés à vivre depuis près d’un an ?  

Ne vivons-nous pas sous cloche, bien conservés à l’abri de tout et du reste ?   

Certes, pour notre bien, pour la préservation de notre santé.

Le confinement, ça vous parle, j’en suis sûr. 

Tout cet ensemble kafkaïen de règles qui viennent s’ajouter les unes aux autres depuis un an nous enferme comme le papier alu (ou la cire rouge), qui recouvre les fromages en portion.

A force de couper les individus de ce lien social si vital qui existe en entreprise, nous sommes rangés comme des portions dans la boîte à fromage ; à force d’ignorer les détresses psychologiques que cette mise sous cloche provoque, une véritable bombe à retardement se prépare.

Il est malheureusement à parier que nous aurons au sortir de cette crise sanitaire un phénomène équivalent à celui que nous avons connu au sortir de la 1er GM : celui des « gueules cassées ».  

Si nous n’y prenons pas garde dès maintenant en prenant des mesures radicales, certains salariés sortiront brisés, broyés par les effets pervers de cette crise sanitaire. Il n’y a pas que pour les étudiants qu’il faut prévoir des psychologues et des psychiatres (métiers d’avenir !).

 

Et puis, il y a cette couleur blanchâtre, cette texture molle ou élastique, ce goût indéfinissable du fromage. Il parait que c’était fait pour nous le faire découvrir et l’aimer. Je ne suis pas convaincu que l’objectif ait été atteint.

Mais l’image ne vous renvoie-t-elle pas à quelque chose que nous vivons dans nos entreprises ?

N’est-ce pas la définition même du comportement corporate ?

 

Tout commence dès le recrutement.

Pour être certain de ne pas déplaire aux tout-puissants dirigeants, nous abandonnons notre personnalité pour devenir translucides.

La culture d’entreprise, les guides de procédures conditionnent jusqu’à notre façon de penser et d’agir. Nous voilà désormais cantonnés dans des comportements de plus en plus stéréotypés et apeurés.

Nous n’osons plus « de peur de », nous ne faisons plus « car il y a un risque de ».

Tout cela finit par nous tordre au sens physique et moral.

La crise sanitaire n’a fait qu’accentuer cette situation.

Connaissez-vous cette chanson d’Arcadian «Bonjour Merci » ?

Rappelez-vous également que c’est cette vision managériale technocratique, froide et aseptisée qui a conduit à un accident fatal comme le Paris Rio : 228 morts. 

En effet, il n’était plus demandé aux pilotes de savoir (re)prendre les commandes et naviguer à vue au besoin en cas de nécessité, mais bien d’obéir à un manuel de procédures appris par cœur, une suite de check-lists, de pousser des boutons dans un cockpit.

Or, nous sommes dans un temps où il faudrait faire preuve de créativité, d’initiatives, de liberté de penser pour inventer le monde de demain. Nous devrions nous intéresser à la diversité pour susciter des idées nouvelles ; et non pas repasser sans cesse les mêmes plats réchauffés, accommodés à la sauce du jour. Alors que nous devrions être dans une explosion de vie, bien au contraire, nous sommes dans un froid qui, peu à peu engourdit nos esprits, le paralyse jusqu’à une mort certaine, si nous n’y prenons pas garde.

 

Alors que pouvons-nous faire ?

Résister !

Prenons le temps de mettre les situations à distance que nous rencontrons.  Reprenons la main sur nos vies.

Donnons-nous la liberté de choix et celle de penser.

Arrêtons ce consensus « mou » qui en fait ne satisfait personne et paralyse nos actions.

Découvrons à nouveau le plaisir de nous affirmer sans brutalité, mais avec intelligence et à propos.  

Notre vie comme celle de l’entreprise y gagneront sans nul doute.

 

N’est-il pas du devoir d’un DRH de susciter une prise de conscience salutaire ?

Je ne prône ni l’anarchie ni la révolution, mais j’en appelle à la réflexion de chacun. N’est-il pas venue l’heure d’inventer un nouveau contrat social basé sur la confiance, la responsabilité individuelle et le respect des parties prenantes.

Ce lien de subordination d’un contrat de travail, conçu dans un monde qui disparait, n’est-il pas aujourd’hui à repenser ?

Et puisqu’il est encore temps, je souhaite que 2021 soit une année qui nous conduise ensemble vers de nouveaux horizons.